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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/119

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faudra, que ce soit en se cachant. Puisque les choses sont dans, l’état où nous les voyons maintenant, je crois que ce qu’il a de mieux à faire est de vous marier avec le comte. Oh ! c’est un aimable gentilhomme ! Roméo est un torchon de vaisselle à côté de lui ; un aigle, Madame, n’a pas Un œil aussi vert, aussi vif, aussi beau, que celui de Paris. Malepeste, je vous juge fort. heureuse dans ce second mariage, car il est fort supérieur au premier ; d’ailleurs, quand il ne le serait pas, votre premier mari est mort, où il vaudrait autant qu’il fût mort, puisqu’il ne vous sert à rien, vous vivant ici.

JULIETTE. — Parles-tu du fond de ton cœur ?

LA NOURRICE. — Et du fond de mon âme-aussi, ou qu’ils soient tous les deux maudits.

JULIETTE. — Amen !

LA NOURRICE. — Quoi ?

JULIETTE. — Bon, tu m’as merveilleusement consolée. Rentre, et dis à Madame ma mère, qu’ayant eu le malheur de déplaire à mon père, je suis sortie pour aller à la cellule de frère Laurent me confesser et chercher l’absolution.

LA NOURRICE. — Pardi, c’est ce que je vais faire, et c’est sagement agir. (Elle sort.)

JULIETTE. — Ô vieille damnée ! démon très-pervers ! y a-t-il un péché plus grand à me conseiller le parjure, qu’à déprécier mon Seigneur avec cette même langue qui l’a tant de fois déclaré au-dessus de toute comparaison ? Va, donneuse de conseils, toi et mon cœur feront deux désormais. Je vais aller trouver le frère pour savoir quel remède il peut, nie donner ; et après cela, si tout me manque, j’ai moi-même le pouvoir de mourir. (Elle sort.)