Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

retirer de sa tombe empruntée, car cette nuit était l’époque où la force de la potion devait cesser d’opérer. Mais celui qui portait ma lettre, le frère Jean, fut arrêté par accident, et hier soir il est revenu en me la rapportant : alors, moi seul, je suis venu en ce lieu, à l’heure précise de son réveil, pour la retirer du caveau de ses ancêtres, avec l’intention de la garder secrètement dans ma cellule, jusqu’à ce que je pusse l’envoyer sans inconvénients à Roméo : mais lorsque je suis arrivé, — quelques minutes avant l’instant de son réveil, — j’ai trouvé gisants sous le coup d’une mort fatale, le noble Paris et le fidèle Roméo. Elle s’est éveillée ; je l’ai suppliée de s’enfuir et de supporter avec patience cette oeuvre du ciel : mais à ce moment un bruit m’a fait m’éloigner de la tombe ; elle, en proie à un excessif désespoir, n’a pas voulu venir avec moi, et elle s’est fait semble-t-il, violence à elle-même. Voilà tout ce que je sais ; sa nourrice a connaissance du mariage : et si quelque chose en tout cela doit retomber à ma charge, que la rigueur de la plus sévère de nos lois sacrifie ma vieille existence, et l’enlève ainsi quelques heures avant son terme naturel.

LE PRINCE. — Nous t’avons toujours connu pour un saint homme. — Où est le valet de Roméo ? Qu’a-t-il à dire en cette affaire ?

BALTHAZAR. — J'apportai à mon maître la nouvelle de la mort de Juliette, et alors il est venu en poste de Mantoue, à ce lieu-ci, à ce monument. Il m’ordonna de donner de bon matin cette lettre à son père, et il entra dans le caveau en me menaçant de mort, si je ne m’éloignais pas en l’y laissant seul.

LE PRINCE. — Donne-moi la lettre, je vais la lire. — Où est le page du comte qui est allé chercher la garde ? — Maraud, que faisait voire maître en ce lieu ?

LE PAGE. — Il était venu pour semer de fleurs le tombeau de sa Dame ; il m’ordonna de me tenir à l’écart, ce que je fis ; puis, un instant après, est venu quelqu’un avec une lumière pour ouvrir la tombe ; mon maître, de propos