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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/158

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ACTE V, SCÈNE III.

avec une longe ; celui qui partait le premier obligeait son compagnon à le suivre sur tous les terrains où il lui plaisait de courir, et lorsque l’un des deux avait mis l’autre dans l’impossibilité d’aller plus longtemps, il était réputé vainqueur.

10. Toute cette scène se compose de plaisanteries d’un sens obscur et d’un esprit douteux. Ce sont dans toute la force du terme des calembredaines de jeunes gens. Cela n’a ni queue ni tête, et n’est remarquable que par le ton de vivacité que Shakespeare y a porté afin d’imiter la pétulance de la jeunesse qui s’étourdit de ses paroles.

11. Une voile ! une voile ! Allusion probable au balancement de hanches de la nourrice qui s’avance en se dandinant d’un air majestueux, peut-être aussi à sa toilette, Nos jeunes gens d’aujourd’hui diraient une chaloupe, une chaloupe ! et cette expression d’argot du bal Mabille serait la véritable traduction de l’exclamation de Mercurio. Ces mots d’argot ont donc de lointains ancêtres, et même les plaisants ne font que rabâcher.

12. La nourrice qui se donne des airs de Dame fait porter devant elle son éventail comme c’était la coutume des Dames d’alors qui lorsqu’elles sortaient à pied se faisaient escorter de plusieurs valets, l’un pour porter le manteau, l’autre le capuchon, l’autre l’éventail, etc.

13. Ce couplet grotesque est peut-être le refrain d’une vieille ballade perdue, mais nous inclinerions plutôt à croire que c’est une improvisation facétieuse de Mercutio.

14. Nous avons vu dans le Soir des rois que ce refrain appartient à une vieille ballade dont il n’existe qu’un fragment conservé par Percy. Nous avons donné la traduction de ce fragment dans nos notes du Soir des rois.

15. Le romarin était un emblème de fidélité et une fleur qu’on plaçait dans les couronnes de mariage. Voilà pourquoi la nourrice s’inquiète tant de savoir si Roméo et romarin commencent par la même lettre. C’est une allusion au prochain mariage de Juliette et de Roméo.

16. R is for the dog ; R est pour, le chien. Les anciennes éditions portent R is for the no ; R est pour le non. Tyrwhitt est l’auteur de cette ingénieuse et pénétrante correction. R était appelé anciennement , la lettre du chien, parce qu’on établissait une ressemblance entre le son de cette lettre errre et le grognement du chien, arrre. Ben Jonson, dans sa grammaire anglaise, après avoir donné une explication équivalente à celle-là, cite comme exemple un curieux passage de Perse qui prouve que cette lettre R portait le nom de lettre du chien dès la plus haute antiquité.

        Sonat hic de nare caninâ.
        Litera.... (PERSE, satire I.)

Le commentateur Douce cite d’un autre côté cette explication que donne Érasme de l’expression proverbiale, canina facundia. R, dit Érasme, litera quæ in rixando prima est, canina vocatur.