Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
147
ACTE V, SCÈNE III.

7. Comme le crapaud a de très-beaux yeux et un corps hideux, et que l’alouette a un gentil petit corps et de vilains yeux, l’imagination populaire en avait conclu que ces deux animaux avaient dû échanger leurs yeux, puisque les yeux du crapaud conviendraient mieux à l’alouette et ceux de l’alouette au crapaud. Mais la beauté des yeux n’est pas le seul avantage du crapaud, animal trop calomnié et qui a quantité de choses charmantes et plusieurs choses nobles, par exemple une mélancolie tranquille que Spinoza aurait pu admirer, carie crapaud est de tons les êtres de la création celui qui semble le plus fortement exprimer ce sentiment spinosiste par excellence, la résignation aux lois fatales de ? choses. Le crapaud possède aussi une voix douce comme le son des flûtes. Avez-vous jamais remarqué dans le concert que chante la campagne aux heures où tombe le soir, une voix qui domine toutes les autres, une note d’une mélodie pure comme le cristal, résonnante comme l’argent, mélancolique comme le regret, allant droit à l’âme et qui semble le cri musical d’un amour sans espoir ? Eh bien, cette note est celle du crapaud dont le chant a précisément une ressemblance avec celui de l’alouette. Tous deux en effet sont purs, suaves, argentins, et un peu monotones. L’alouette et le crapaud ne disent jamais que la même note, et c’est peut-être cette ressemblance entre leurs chants qui aura conduit l’imagination populaire à conclure qu’il devait y avoir entre eux un commerce assez intime pour qu’ils eussent eu la fantaisie d’échanger leurs yeux.

8. Hunt’s up, dit le texte, réveil de chasse. Autrefois tous les chants qu’on pourrait appeler des réveille-matin, même les chants d’amour, étaient appelés en Angleterre hunt’s up, réveils de chassé, parce que, ceux-ci étaient naturellement les plus nombreux. Voici un de ces hunt’s up que possède en manuscrit M. Collier ; il combine comme on va le voir les caractères d’un chant d’amour et d’un réveil de chasse.

     LE NOUVEAU RÉVEILLE-MATIN.

  La chasse est debout, la chasse est debout,
  Réveille-toi, ma dame franche,
  Le soleil s’est levé, il est sorti de sa prison,
  Par-dessous la mer miroitante.

  La chasse est debout, la chasse est debout,
  Réveille-toi, ma dame brillante,
  L’alouette du matin est eu haut dans l’air,
  Pour épier la venue de la lumière du jour.

  La chasse est debout, la chasse est debout,
  Réveille-toi, ma belle dame,
  Les vaches et les moutons qui tout à l’heure dormaient,
  Broutent dans l’air du matin.