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ACTE V, SCÈNE III.

rien moins qu’une corruption du nom de Mahomet qui au moyen âge était confondu par les chrétiens avec le fondateur d’une religion idolâtre. Mahométan était synonyme de païen, c’est-à-dire d’adorateur d’idoles. Or que sont les idoles ? des mannequins, des poupées. Le mot qui servait à désigner l’adorateur des poupées, finit, grâce aux altérations amenées par l’usage, par s’appliquer aux poupées elles-mêmes, si bien que lorsqu’une petite fille nommait sa poupée, elle répétait sans le savoir un cri de guerre des anciens, croisés. — Dans ce même discours, du père Capulet, nous avons encore un exemple de la minutieuse observation des mœurs méridionales. Le père Capulet jure par le pain de Dieu, God’s bread ; or ce juron n’est autre que la traduction très-exacte du juron italien, par l’ostia, par la sainte hostie.

ACTE IV.

1. Evening mass, dît le texte ; la messe du soir. Quelques critiques se sont prévalus de cette expression pour réfuter l’opinion qui veut que Shakespeare ait été sérieusement catholique. Si Shakespeare était si bon catholique, ont-ils dit, comment ne savait-il pas qu’il n’y a pas de messes le soir ? Telle est l’objection qu’un critique des plus distingués et des plus érudits, M. Schérer, a présentée contre l’opinion trop absolue sans doute, mais très-fondée en fait, soutenue par M. Rio. J’en demande bien pardon à l’éminent critique qui dans le même article où il a fait valoir cette raison, réfutait une opinion émise par moi-même sur la Tempête, mais son observation frappe à côté de la vérité. Le mot de messe ici doit s’entendre dans le sens d’office en général ; evening mass signifie donc l’office du soir. Eu vertu d’une figure de rhétorique bien connue, Shakespeare choisit l’office par excellence, l’office suprême pour désigner un genre d’office moins important. Ainsi la messe du soir, ce sont les vêpres, les complices, la bénédiction, n’importe lequel des offices qui ont lieu aux heures de la soirée.

2. C’était, et c’est encore une coutume en Italie, de porter les morts au tombeau, étendus sur leur bière et la face découverte. Un érudit, M. Hunter, a cité à ce propos un extrait assez curieux d’un vieux livre anglais intitulé Ébauches, par Coryat. « Les enterrements sont si singuliers, tant dans Venise que dans les autres villes, cités et paroisses d’Italie, qu’ils diffèrent non-seulement de ceux de l’Angleterre, mais encore de ceux de toutes les autres nations de la chrétienté. En effet, ils portent le cadavre à l’église, la face, les mains et les pieds nus, et revêtus du même costume que la personne portait pour la dernière fois ; avant de mourir, ou du costume dans lequel elle a demandé à être ensevelie, et ce costume est enterré avec le corps. » (Édition STAUNTON.)

3. Vieux proverbe anglais né de la coutume très-malpropre qu’ont les cuisiniers de tremper leurs doigts dans les sauces pour les goûter.

4. Autrefois, surtout en Italie, les femmes comme les hommes portaient des poignards, et il paraîtrait qu’un poignard faisait partie du