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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/182

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donc boire tous les convives, jusqu’à ce qu’ils fussent ivres morts et couchés sous la table ; alors il détacha la tapisserie qu’il avait ordonné à sa mère de tisser, alla chercher ses anciens morceaux de bois taillés en pointe et durcis au feu, recouvrit tous ces ivrognes comme d’un lourd filet, cloua la tapisserie avec ses pieux pour qu’aucun de ces oiseaux de nouvelle espèce ne pût s’échapper, mit le feu au palais, se précipita dans l’appartement de Feggon, le tua, et prit la couronne qui lui appartenait par droit de naissance, droit que les Danois furent enchantés d’ailleurs de confirmer, comme ont fait, font et feront tous les peuples du monde, pour le plus hardi, le plus heureux et le dernier triomphant. En conséquence ils l’acclamèrent de leurs plus enthousiastes braillements, comme ils acclameront plus tard son vainqueur, La moralité de cette légende fabuleuse n’est pas, on le voit, en désaccord bien sensible avec la moralité de la véridique histoire.

Après avoir mis ordre aux affaires les plus pressantes de son royaume, Hamlet voulut aller rendre visite à son beau-père, et il partit avec une troupe brillante sur une flotte de plaisir, véritable flottille de canotiers du bon ton de cette époque. À son arrivée en Angleterre, le roi lui demanda des nouvelles de Feggon ; Hamlet lui apprit qu’il était mort, et que lui son gendre, avait eu l’honneur d’en purger la terre. Mais cette nouvelle, loin d’enchanter le roi, le plongea dans la plus grande perplexité. Ce monarque de fécrie avait fait un pacte avec Feggon, par lequel le survivant des deux s’engageait à venger la mort de l’autre, pacte qui prouve que ces deux personnages s’attendaient à mourir autrement que de mort naturelle. Devait-il tenir son serment ? devait-il sacrifier son gendre ? Après avoir délibéré longtemps, ce matois Jocrisse royal s’avise d’un moyen terme tout à fait ingénieux. Comme sa femme, la reine, aux trois gestes de servante, venait de mourir, il prie son gendre d’aller demander