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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/183

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pour lui la main de la reine d’Écosse, guerrière intrépide qui avait fait vœu de rester vierge toute sa vie, et qui, pour conserver sa virginité, avait recours comme la Brunhild des Niebelungen, à des épreuves dangereuses pour les prétendants à sa main.

Pour vaincre cette Brunhild calédonienne, Hamlet n’eut besoin cependant ni de la force musculaire, ni du manteau de ténèbres de Siegfried. Cette guerrière montra à Hamlet qu’on la faisait plus méchante qu’elle ne l’était, car elle se laissa prendre d’emblée à sa bonne mine. Le rusé prince danois s’endormit à proximité du palais de la reine Hermatrude, au bord d’un ruisseau, son boucher à ses côtés. Ce bouclier était célèbre ; Hamlet y avait fait graver l’histoire de sa vie. Un des courtisans le ramassa, enleva dextrêment de la poche du dormeur les lettres du roi d’Angleterre, et porta le tout à la reine, qui imitant sans le savoir la ruse déjà employée par Hamlet, effaça la lettre homicide du roi d’Angleterre, et la remplaça par une recommandation d’épouser le porteur du message. Puis on lui rapporta son bouclier et ses lettres. Lorsqu’il apprit que le roi voulait le marier à Herrnatrude, Hamlet fut surpris non moins qu’enchanté, et il consentit joyeusement à prendre une seconde épouse. Sa première femme, pareille en cela à tant d’admirables épouses, que nous présentent les annales de la barbarie germanique, fut affligée de ce nouveau mariage, mais son amour n’en fut pas diminué. Le langage de cette héroïne perdue dans la nuit des temps, tel qu’il nous est rapporté par le vieux chroniqueur, est digne des plus nobles héroïnes de la poésie et de l’histoire. « Mon fils, lui dit-elle, pourra haïr la rivale de sa mère ; moi je dois aimer cette rivale puisque vous l’aimez. Non, il n’y a ni malheur, ni injustice qui puisse détruire ma tendresse pour vous ; je vous protégerai, je vous sauverai des dangers qui vous menacent. Prenez garde à votre beau-père ; il se vengera de vous ; en parlant ainsi, je suis plus