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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/250

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ai vue, de toute la hauteur d’un patin [5]. Prions Dieu que votre voix n’ait pas reçu quelque fêlure, comme une pièce d’or n’ayant plus cours [6]. Mes maîtres, vous êtes tous les bienvenus. Nous allons sans retard imiter les faucons français qui volent vers toute chose qu’ils aperçoivent ; nous allons entendre une tira de sur-le-champ : allons, donnez-nous un échantillon de votre talent ; voyons, une tirade passionnée.

PREMIER COMÉDIEN. — Quelle tirade, Monseigneur ?

HAMLET. — Je t’ai entendu me dire une fois une tirade, — mais elle ne fut jamais déclamée sur la scène, ou si elle y fut dite, ce ne fut pas plus d’une fois ; car la pièce, il m’en souvient, ne plut pas à la multitude ; c’était du caviar pour le public [7] : mais, dans mon opinion, et dans l’opinion d’autres dont les jugements en telle matière avaient bien plus de poids que les miens, c’était un excellent drame, logiquement composé, écrit avec autant de simplicité que d’art. Je me rappelle qu’une certaine personne dit qu’il n’y avait pas dans les vers assez d’épices pour rendre la matière savoureuse ; ni dans les phrases assez de pensée pour que l’auteur pût être accusé d’affectation ; mais que la méthode d’après laquelle cette pièce avait été faite était une honnête méthode, aussi salubre que douce, et infiniment plus belle que jolie. Il y avait une tirade que j’aimais particulièrement : c’était le récit d’Enée à Didon, et surtout le passage où il parle du meurtre de Priam : si votre mémoire a retenu ce passage, commencez à cette ligne ; — voyons, voyons ;-

Le farouche Pyrrhus, comme la bête d’Hyrcanie,

ce n’est pas cela ; — cela commence avec Pyrrhus ; —

Le farouche Pyrrhus, l’homme aux armes d’ébène, Noires comme son projet, qui le faisaient ressembler à la nuit,

Lorsqu’il était couché entre les flancs du cheval fatal, —

Présente maintenant cet aspect redoutable et sombre souillé D’un blason plus sinistre encore ; de la tête aux pieds