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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/269

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Lorsque l’amour est grand, les plus petits soupçons deviennent craintes ;

Là où les petites craintes deviennent grandes, là fleurit un grand amour.

GONZAGO :

En vérité, chérie, il faudra que je te quitte, et bientôt ; Mes forces vitales se relâchent de leurs fonctions, Et tu vivras après moi dans cet admirable monde, Honorée et bien-aimée, et peut-être auras-tu pour époux Quelqu’un d’aussi tendre.

BAPTISTA :

Oh ! n’en dis pas davantage ! Un tel amour serait une trahison de mon cœur Que je sois maudite si je prends un second époux ! Nulle n’en épousa jamais un second si elle n’avait tué le premier.

HAMLET, à part. — Voilà de l’absinthe, de l’absinthe !

BAPTISTA :

Les seconds mariages ne sont jamais déterminés

Que par de vils motifs d’intérêt, mais l’amour n’y est pour rien ;

Je tue une seconde fois mon Seigneur qui est mort,

Lorsqu’un second époux m’embrasse dans mon lit.

GONZAGO :

Je crois que vous pensez ce que vous exprimez en cet instant,

Mais souvent nous manquons à ce que nous avons résolu.

Nos projets sont esclaves de notre mémoire ;

Violents à leur naissance, ils sont de santé peu forte ;

Tant qu’ils sont ; encore pareils au fruit vert, ils tiennent solidement à l’arbre,

Mais dès qu’ils sont arrivés à maturité, ils tombent sans être ébranlés.