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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/270

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Il nous est fort nécessaire d’oublier

De nous payer la dette contractée par nous-mêmes envers nous-mêmes :

Ce que nous nous proposons de faire quand nous sommes saisis par la passion,

Perd toute raison d’être, la passion cessant.

La joie et le chagrin par leur propre violence

Mettent à néant leurs propres entreprises :

Là où la joie est là plus vive, là où la douleur est la plus éplorée,

Un léger accident survenant, voilà la douleur qui rit et la joie qui pleure.

Ce monde n’est pas éternel ; aussi n’est-il pas étrange

Que nos amours même changent avec nos fortunes ;

Car c’est une question qui nous reste encore à résoudre

De savoir si c’est l’amour qui guide la fortune, ou la fortune l’amour.

L’homme puissant une fois à bas, voyez comme s’évanouit son favori ;

Le pauvre qui s’élève au contraire voit ses ennemis se changer en amis.

Jusques à ce jour-ci l’amour a toujours suivi la fortune :

Car quiconque est à l’abri du besoin, ne manquera jamais d’amis ;

Mais quiconque étant dans le besoin mettra à l’épreuve un de ces creux amis,

Le changera immédiatement en ennemi.

Mais pour finir logiquement comme j’ai commencé, —

Nos volontés et nos destins suivent des routes si contraires,

Que nos projets sont toujours renversés ;

Nos pensées sont à nous, leur réalisation ne nous appartient pas ;

C’est ainsi que tu crois ne pas épouser un second époux,

Mais tes pensées mourront lorsque ton premier Seigneur sera mort.