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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/310

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cution, il vaudrait mieux ne pas l’avoir essayé : en conséquence, par derrière ce projet, nous devons en tenir en réserve un second qui puisse toucher droit, si celui-là fait long feu. Doucement ! — voyons un peu : — nous établirons un pari solennel sur vos forces respectives à l’escrime.... — Ah ! je tiens mon projet ! — Lorsque par suite de la vivacité de l’action vous serez échauffés et altérés, — et ayez soin de pousser vivement vos bottes à cette fin, — s’il demande à boire, je lui ferai présenter une coupe préparée pour l’occasion, et s’il y trempe seulement les lèvres, nous aurons atteint notre but, dans le cas où il aurait eu la chance d’échapper à votre estocade empoisonnée.

Entre LA REINE.

LE ROI. — Qu’y a-t-il, aimable reine ?

LA REINE. — On peut dire qu’un malheur marche sur les talons de celui qui le précède, tant ils se suivent de près : — votre sœur s’est noyée, Laertes.

LAERTES. — Noyée ! — Oh, où cela ?

LA REINE. — Près d’un cours d’eau, il y à un saute qui mire ses feuilles blanchâtres dans la glace de l’onde ; elle est venue là avec des guirlandes fantasques composées de renoncules, d’orties, de marguerites, et de ces longues fleurs pourprées que nos bergers au langage indécent nomment d’un nom plus grossier, mais que nos chastes vierges appellent doigts de morts : pendant qu’elle grimpait à ce saule pour accrocher à ses rameaux pendants sa couronne d’herbes fleuries, une branche envieuse s’est cassée, et alors, elle et ses trophées de verdure sont tombés dans l’eau gémissante. Ses vêtements se sont déployés sur la surface de l’eau, et ils l’ont soutenue un instant pareille à une sirène : pendant ce temps-là elle chantait des fragments de vieux chants, comme une personne sans conscience de sa détresse, ou comme une créature native ou habitante de cet élément : mais il n’a pas fallu longtemps pour que ses vêtements pesants de l’eau qu’ils avaient bue arrachassent la pauvre