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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/312

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PREMIER FOSSOYEUR. — Comment cela se peut-il, à moins qu’elle ne se soit noyée à son corps défendant ?

SECOND FOSSOYEUR. — Eh bien, c’est comme cela que la chose s’est passée, on l’a reconnu.

PREMIER FOSSOYEUR. — Cela doit être se offendendo ; il ne se peut pas qu’il en soit autrement. En effet voici le point : si je me noie à bon escient, cela suppose un acte : or un acte a trois branches ; c’est-à-dire, agir, faire et accomplir : adonc, elle s’est noyée à bon escient.

SECOND FOSSOYEUR. — Oui, mais écoutez, fossoyeur, mon bonhomme....

PREMIER FOSSOYEUR. — Laissez-moi parler. Voici l’eau ; bon : voilà l’homme ; bon : si l’homme va vers cette eau et se noie, c’est lui qui se noie, qu’il l’ait ou non voulu, puisqu’il est allé la trouver, remarquez bien cela ; mais si l’eau vient à lui et le noie, il ne se noie pas lui-même : adonc celui qui n’est pas coupable de sa propre mort n’abrège pas sa propre vie [1].

SECOND FOSSOYEUR. — Mais est-ce la loi ?

PREMIER FOSSOYEUR. — Oui, pardi, c’est la loi, la loi de l’enquête par le coroner.

SECOND FOSSOYEUR. — Voulez-vous que je vous dise là-dessus la vérité ? Si ça n’avait pas été une Demoiselle noble, elle n’aurait pas eu de sépulture chrétienne.

PREMIER FOSSOYEUR. — Parbleu, tu dis le fin mot, et c’est d’autant plus pitié que les grands aient dans ce monde permission de se pendre et de se noyer plus que leurs simples frères chrétiens. — Avance ici, ma bêche. Il n’y a pas de plus anciens gentilshommes que les jardiniers, les terrassiers et les fossoyeurs ; ils suivent la profession d’Adam.

SECOND FOSSOYEUR. — Était-il gentilhomme ?

PREMIER FOSSOYEUR. — Il est le premier qui ait jamais porté des armes.

SECOND FOSSOYEUR. — Comment ! il n’en avait aucune !

PREMIER FOSSOYEUR. — Quoi ! est-ce que tu es un païen ? comment comprends-tu l’Écriture ? L’Écriture dit qu’A-