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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/345

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Douce la fait remonter à un usage du même genre, qui faisait partie des fêtés romaines des Lupercales. Ces fêtes se célébraient au mois fie février, et comme l’anniversaire de saint Valentin se rapportait juste à cette date, les premiers chrétiens, pour effacer de cette coutume toute trace païenne, l’auraient mise sous l’invocation de ce saint. Cela est bien possible ; cependant comment ce vieil usage s’est-il conservé dans la Grande-Bretagne seule, tandis que les autres provinces où les coutumes romaines étaient bien plus fortes ne l’ont pas retenu ? Mais l’histoire est pleine de singularités de ce genre, et nous ne voudrions pas répondre que ce n’est pas là l’origine de cette poétique coutume.

6. Les fleurs présentées par Ophélia ont chacune une signification ymbolique en parfait rapport avec l’âge, le caractère et l’histoire des personnes auxquelles elles sont remises. À Laertes elle donne du romarin, fleur qui, dit-on, fortifiait la mémoire, emblème de souvenir fidèle, éternel, et qu’en cette qualité on portait comme signe de regret et signe d’amour, aux funérailles et’aux mariages. C’est comme si elle disait à son frère, rappelle-toi notre père. Elle lui donne aussi des pensées, emblême de réflexions inquiètes et qui ne doivent pas être dissipées. Au roi elle donne du fenouil : symbole de flatterie et de paillardise, le fenouil étant un aphrodisiaque, et des colombines, symbole d’ingratitude. Pour la reine et elle-même, elle conserve la rue, emblème de chagrin, mais en indiquant qu’elles doivent les porter d’une manière différente : elle-même Opliélia comme symbole de douleur imméritée, la reine comme symbole de douleurs nées du remords.

ACTE V

1. Sir John Kawkins a suggéré judicieusement que ce passage était une satire de la logique saugrenue des légistes qui furent appelés à juger un certain procès né d’un cas de suicide, le procès de la dame Haie rapporté dans les commentaires de Plowden. Le mari de cette dame. Sir John Haie, se noya, et la question était de savoir si un certain fermage qui lui appartenait au moment de sa mort revenait à la couronne. Voici la manière de raisonner des juges de ce temps-là. Premier Bridoison portant pour nom Walsh ratiocine comme suit : « L’acte consiste en trois parties. La première est d’imagination, ce qui est une réflexion ou méditation de l’esprit pour savoir s’il est ou non convenable de se détruire et de quelle manière la chose peut être faite. La seconde est la résolution qui est la détermination prise de se détruire, et d’accomplir l’acte par un moyen arrêté irrévocablement. La troisième est l’exécution de ladite résolution. Cette exécution elle-même se divise en deux parties, le commencement et la fin. Le commencement est l’accomplissement de l’acte qui cause la mort, et la fin est la mort qui est une conséquence de cet acte. » Puissamment raisonné, maître Walsh, Admirons maintenant la logique des maîtres Weston, Anthony Brown, et Lord Dyer : « Sir John Haie est