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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/40

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un droit de la nature, où le plaisir ne présente aucun aspect offensant, où les ardeurs d’une affection mutuelle ne réveillent aucune idée choquante, ni aucun injurieux soupçon, l’âge enfin où l’amour est souverain sans partage et où rien n’a la puissance de prévaloir contre lui. Pour montrer l’amour dans toute sa franchise, il fallait le débarrasser de toutes ces contraintes que les timidités du caractère ; les malentendus de l’éducation, l’inégalité des conditions, opposent d’ordinaire à son développement, et c’est ce qu’a fait Shakespeare en choisissant pour le représenter deux jeunes méridionaux véhéments, énergiques, égaux d’âge et de condition. Le poète n’a pas établi de distinction entre l’amour physique et l’amour moral, entre la sensualité et la tendresse ; l’amour de Roméo et de Juliette a l’exigence de l’absolu ; il prend l’être humain tout entier, corps et âme, idéal et réalité. Shakespeare a donc réuni en un seul faisceau les divers, éléments qui constituent l’amour parfait. Roméo et Juliette est plus qu’un admirable drame, c’est la métaphysique vivante de l’amour. « Supposez par une fantaisie d’imagination que vous avez à subir un examen devant une cour d’amour renouvelée de l’ancienne civilisation provençale, ou que vous avez à dresser une sorte de catéchisme de cette passion ; à toutes les questions vous n’auriez qu’à donner les réponses de Roméo et. Juliette. Exemples :

Q. — Qu’est-ce que l’amour ?

R. — L’amour est une passion dont le propre est de triompher de toutes les autres et d’anéantir même son contraire qui est la haine, une passion qu’on peut vaincre, mais non soumettre, et qui échappe par la mort à l’empire même de la fatalité, ainsi qu’en témoigne l’histoire des amants de Vérone.

Q. — Quel est le véritable amour ?

R. — L’amour spontané de Roméo et