Page:Shakespeare - Un songe de nuit d’été, trad. Spaak, 1919.djvu/76

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LYSANDRE

J’étais sans jugement quand je me suis lié !

HÉLÈNE

Croyez-vous en avoir lorsque vous oubliez ?

LYSANDRE

D’ailleurs Démétrius l’adore, et vous déteste !…

DÉMÉTRIUS, s’éveillant

Hélène !… Ô chère Hélène !… Ô vision céleste !
Nymphe et Déesse ! À quoi puis-je opposer
Tes yeux ?… Auprès d’eux le cristal est trouble !
Ta bouche, appelant mes baisers,
Paraît une cerise double !
Quand tu lèves ton bras, si beau,
La neige du Taurus que le vent d’est balaie,
Dans sa blancheur vierge et gelée
Semble aussi noire qu’un corbeau !
Ah, laisse-moi baiser ta main, cette princesse
Qui tient le sceau de mon bonheur ?…

HÉLÈNE

Oh, rage ! Vous avez donc commis la bassesse
De vous mettre d’accord pour railler mon honneur !
Si vous étiez polis et galants, comme il sied,
Vous ne me feriez pas d’offense aussi vilaine !
Et ne suffit-il pas que vous me haïssiez,
Sans ajouter encor le mépris à la haine ?
J’aurais été traitée en jeune dame honnête
Si vous fussiez vraiment des hommes ! Vous n’en êtes
Que l’apparence, hélas ! Oui, des serments moqueurs,
Une ardeur emphatique à louer mes attraits,
Quand je sais que tous deux vous en rirez après,
Car vous me détestez du plus profond du cœur !