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LAO ET CYTHNA 109

morale el politique, ne sont plus guère que de vaines tentatives 

pour ressusciter de vieilles superstitions, ou des sophismes comme ceux de M. Malthus (1), destinés à bercer les oppresseurs de l'humanité dans la sécurité d’un éternel triomphe. La même ombre délétère s’étend sur nos ouvrages de fiction et de poésie. Mais l'humanité me semble prête à sortir de sa torpeur. Je crois pressentir un changement graduel, lent, silencieux. C’est dans cette croyance que j’ai composé ce poème.

Je n’ai pas la présomption de vouloir entrer en lice avec nos grands poètes contemporains. Cependant je ne suis disposé à marcher sur les traces d’aucun de ceux qui m’ont précédé. J’ai voulu éviter limitation de toute forme de langage ou de versification particulière aux esprits originaux dont elle est le caractère ; de telle sorte que, quel que soit le mérite de mon œuvre, elle soit proprement mienne. Je ne me suis même permis, à l’égard de la pure diction, aucun système de nature à distraire l'attention du lecteur de l'intérêt tel quel que je puis avoir réussi à créer, en rattachant à l’habileté que j’aurais mise à le dégoûter selon les règles de la critique. J’ai simplement revêtu ma pensée du langage qui ma semblé le plus naturel et le mieux approprié au sujet. Quand on est familiarisé avec la nature et avec les plus célèbres productions de l’esprit humain, il est difficile de se tromper, en suivant, par rapport au choix du langage, l’instinct produit par cette familiarité. II y a une éducation spécialement faite pour le poète, sans laquelle le génie et la sensibilité pourraient difficilement développer tout le cercle de leurs capacités. Aucune éducation, il est vrai, ne suffirait à faire un poète d’un esprit lourd et dénué d’observation, ni même d’un esprit observateur et intelligent, mais chez qui seraient obstrués et

(I) Il faut remarquer, comme un symptôme de la renaissance des espérances publiques, que M. Malthus, dans la dernière édition de sou ouvrage, reconnaît à la loi morale un empire illimité sur le principe de population. Cette concession répond à toutes les conséquences défavorables au perfectionnement humain que l’on pouvait tirer de sa doctrine, et réduit l’Essai sur la population à n'être plus qu’un commentaire explicatif de l’irréfutable Justice politique. S.

Rabbe. I- — "^