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LAON ET CYTHNA 117

III

Des pensées de grandes actions furent les miennes, chère amie, quand pour la première fois passèrent les nuages qui enveloppent ce monde aux yeux de la jeunesse. Je me rappelle fort bien l'heure où se dissipa le sommeil de mon esprit. C’était un frais matin de mai ; je me promenais sur l'herbe étincelante, et je pleurais, je ne savais pourquoi ; lorsqu’il s’éleva de la chambre d’école voisine des voix qui, hélas ! n’étaient que l’écho d’un monde de douleurs, l’âpre et discordante mêlée de tyrans et d’ennemis.

IV

Et alors, serrant les mains, je regardai autour de moi ; mais il n’y avait personne à mes côtés pour se moquer de mes yeux ruisselants, qui versaient leurs gouttes brûlantes sur la terre ensoleillée. Aussi, sans honte, je m’écriai : « Je veux être sage, juste, libre et doux, si ce pouvoir est en moi ; car je suis las de voir l’égoïste et le fort tyranniser toujours sans reproche et sans frein.» Alors je maîtrisai mes larmes, mon cœur se calma, et je fus doux et hardi.

V Et depuis cette heure, avec une pensée ardente, je me mis à puiser la science aux mines défendues du savoir ; sans me soucier de rien apprendre de ce que savaient ou enseignaient mes tyrans, de ce secret trésor je fis une solide armure pour mon âme, avant qu’elle pût marcher en guerre au milieu des hommes. Ainsi force et espérance s’affermirent de plus en plus en moi, jusqu’au jour où surgit dans mon âme le sentiment de ma solitude, une soif qui me fit languir.

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