22 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY
à son but, dans un éloquent silence, à travers les abîmes de l’espace, poursuivait sa prodigieuse route ... Il y avait une petite lumière, clignotant dans le lointain brumeux ; rien que l’œil d’un esprit pouvait apercevoir cet orbe roulant : rien que l’œil d’un esprit, et seulement de ce céleste séjour, pouvait distinguer chacune des actions des habitants de cette terre. Mais matière, espace et temps n’ont plus d’action dans ces aériennes régions ; et la sagesse toute-puissante, quand elle recueille les fruits de son excellence, franchit tous les obstacles qu’une âme terrestre craindrait d'affronter.
La Fée désignait la terre. L’œil intellectuel de l’Esprit reconnut les êtres de sa parenté. Sous son regard, les multitudes pressées apparaissaient comme les citoyens d’une fourmilière. Quelle merveille ! que toujours les passions, les préjugés, les intérêts, qui animent le plus petit être, que la plus faible touche, qui met en mou- vement le nerf le plus délicat, et produit dans la cervelle humaine la pensée la plus élémentaire, deviennent un anneau dans la grande chaîne de la nature !
« Regarde, cria la Fée, les palais ruinés de Palmyre !.... Regarde ! ici la grandeur faisait trembler ; regarde ! là souriait la volupté : que reste-t-il aujourd’hui ? le sou- venir de la folie et de la houle ! Qu’y a-t-il là
d’immortel ? Rien ces ruines sont debout pour
raconter une mélancolique histoire, pour donner un terrible avertissement ; bientôt l’oubli emportera silen- cieusement les restes de leur gloire. Là, monarques et conquérants avec orgueil mirent le pied sur des millions d’hommes prosternés — tremblements de terre de l’hu- maine race, connue eux oubliés, quand la ruine qui marque leur secousse a disparu.