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32 CEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

de la cabane que sur le dôme des rois ? La maternelle Terre est-elle une marâtre pour ces nombreux fils qui, sans les partager, recueillent ses dons au prix d’inces- santes fatigues ? N’est-elle une mère que pour ces enfants pleurnicheurs qui, nourris dans les jouissances et le luxe, font des hommes les jouets de leur puérilité, et détruisent, dans leur important et égoïste enfan- tillage, cette paix que des hommes seuls apprécient ?

« Non, Esprit de la Nature ! La pure diffusion de ton essence palpite également dans tout cœur humain ! C’est là que tu élèves le trône de ton pouvoir sans appel : tu es le juge, au moindre signe duquel la courte et frêle autorité de l’homme devient aussi impuissante que le vent qui passe. Ton tribunal est autant au-dessus de l’appareil de l’humaine justice que Dieu est au-dessus de l’homme !

« Esprit de la Nature ! tu es la vie des infinies multi- tudes ; l’âme de ces puissantes sphères, dont la route immuable traverse le profond silence du Ciel ; l’âme du plus petit être dont la vie a pour séjour un pâle rayon d’avril ! Comme ces êtres passifs, l’homme accomplit inconsciemment ta volonté ; comme le leur, son âge de paix sans fin, que le temps se hâte de mûrir, viendra promptement et infailliblement ; et ce monde sans bornes que tu pénètres n'aura plus de crevasses défigurant sa parfaite symétrie ! »

IV

« Que cette nuit était belle ! Le soupir embaumé, que les zéphyrs du printemps exhalent à l’oreille du soir, troublait seul le calme éloquent qui enveloppe cette scène immobile. La voûte d ébène du Ciel, criblée d'as-