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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

« La guerre est le jeu des politiques, les délices du prêtre, l’amusement de l’homme de loi, le métier gagé des assassins ; et pour ces royaux meurtriers, dont les trônes mesquins sont le prix de la trahison, de la bouc ci de la honte, la guerre est le pain qu’ils mangent, le bâton sur lequel ils s’appuient ! Des gardes, revêtus d’une livrée rouge-sang, font un rempart à leur palais, participent aux crimes que la force protège, et contre la rage d’une nation assurent la couronne, l’objet de toutes les malédictions qu’exhalent la Faim, la Frénésie, la Douleur et la Misère ! Ce sont là les bravi secrets qui défendent le trône du tyran, les fanfarons de sa crainte ; ce sont les égouts et les canaux des plus détestables vices, le rebut de la société, la lie de tout ce qu’il y a de plus ignoble… Leurs cœurs glacés allient la fraude avec la sévérité, l’ignorance avec l’orgueil, tout ce qui est petit et vil avec la rage que la désespérance du bien et le mépris de soi-même peuvent seuls allumer. Ils sont parés de richesse, d’honneur, de pouvoir ; et puis envoyés au dehors pour accomplir leur œuvre. La peste qui, dans sa sombre marche triomphale, parcourt quelques contrées de l’Orient est moins pernicieuse. Ils cajolent avec l’or, avec les promesses de gloire, la jeunesse insouciante déjà écrasée sous la servitude ; elle ne connaît que trop tard son malheur et n’accueille la repentance que pour sa ruine, quand son destin est scellé dans l’or et dans le sang. Ceux-là aussi servent le tyran, qui, versés dans l’art d’entortiller les pieds de la Justice dans les filets de la loi, sont toujours prêts à opprimer le faible, toujours prêts à plaider le bien ou le mal pour de l’or, se raillant de la vertu publique, qui, sous leur pied impitoyable, gît meurtrie et écrasée