V
« Ainsi les générations de la terre s’en vont au tombeau et ne cessent de sortir de la matrice, survivant toujours à l’impérissable changement qui renouvelle le monde. Comme les feuilles, que le souffle perçant et glacé de l’année qui décline a éparpillées sur le sol de la forêt et amoncelées là depuis bien des saisons, chargeant la lande de leur nauséabonde pourriture et étouffant pour longtemps tous germes de promesses, — cependant, quand les grands arbres d’où elles sont tombées dépouillées de leurs aimables formes gisent au niveau du sol pour tomber en poussière, elles fertilisent la lande qu’elles ont longtemps salie, jusqu’à ce que de la clairière palpitante s’élance une forêt de jeunesse, de force et de grâce, destinée, comme le germe qui lui a donné la vie, à grandir et à mourir, — ainsi l’Égoïsme, amant du suicide, qui flétrit les plus beaux sentiments du cœur qui s’ouvre, est destiné à tomber, pendant que du sol écloront toute vertu, toutes délices, tout amour, et que la raison cessera de faire une guerre contre nature à l’indomptable armée des passions. — Frère jumeau de la Religion, l’Égoïsme, son émule en crime et en mensonge, singeant toutes les folâtres horreurs de ses jeux sanglants, et cependant glacé, impassible, sans âme, esquivant la lumière, ne reconnaissant pas son propre nom, forcé par sa difformité d’abriter sous le voile fragile de la justice et du droit ses traits repoussants qui épouvantent tout excepté la couvée de l’Ignorance ; à la fois la cause et l’effet de la tyrannie ; sans pudeur, endurci, sensuel et vil ; mort pour tout autre amour excepté celui de sa propre abjection ; d’un cœur