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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

insensible à toute autre passion que celles d’un plaisir non partagé, d’un gain sordide ou d’une vaine renommée ; méprisant l’abjection de son propre être, qu’il voudrait, mais qu’il n’ose jamais affranchir !

« De là naît le Commerce, le vénal échange de tout ce que produit l’art humain ou la Nature, dont la richesse se passerait, mais que le besoin demande, et que la bonté de la nature s’empresse d’alimenter aux pleines sources de son amour sans bornes, sources pour toujours étouffées, taries et corrompues. Commerce, à l’ombre empoisonnée duquel aucune vertu solitaire n’ose éclore ; pendant que Pauvreté et Richesse, d’une égale main, sèment leurs malédictions desséchantes, et ouvrent les portes d’une mort prématurée et violente à la famine languissante et à la maladie bien nourrie, à tout ce qui partage le lot de la vie humaine ; et celle-ci, empoisonnée corps et âme, peut à peine traîner la chaîne qui s’allonge à mesure qu’elle va, en faisant retentir son cliquetis derrière elle,

« Le Commerce a mis la marque de l’égoïsme, le sceau de son pouvoir qui réduit tout en servitude, sur un métal brillant et l’a appelé or : et devant son image s’inclinent le vulgaire des grands, le riche inutile, le misérable orgueilleux, la foule des paysans, nobles, prêtres et rois : et dans leur aveuglement, ils adorent le pouvoir qui les broie et les réduit à la misère. Mais dans le temple ; de leurs cœurs mercenaires, l’or est un dieu vivant, qui gouverne dans h ; mépris toutes les choses de la terre, excepté la vertu.

« Depuis que les tyrans, grâce au trafic de la vie humaine, gorgent de voluptés leur sensualisme, et de gloire leur immense orgueil insatiable et dévastateur, le