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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

sûrement le prix marqué par l’égoïsme, en triomphant de tout excepté de cette volonté d’homme résolue et immuable, que ni les applaudissements d’une foule servile, ni les ignobles joies d’un luxe corrupteur ne pourront séduire ni amener à abandonner son âme élevée à la tyrannie ou au mensonge, quand même ceux-ci tiendraient dans leur main rouge de sang le sceptre du monde.

« Tout s’achète : la lumière même du ciel se vend ! Les inépuisables dons d’amour de la terre, les plus petites et les plus méprisables choses qui se cachent dans les profondeurs de l’abîme, tous les objets de notre vie, la vie elle-même, et cette pauvre dose de liberté qu’accordent les lois, l’amitié de l’homme, ces devoirs d’amour humain que son cœur devrait le presser d’accomplir instinctivement, tout cela s’achète et se paie comme dans un marché public, où l’égoïsme non déguisé met sur chaque objet son prix, l’estampille de son règne. L’amour même est vendu ! La consolation de toute douleur est changée en la plus mortelle des agonies ; la vieillesse tremble dans les bras dégoûtants d’une beauté éprise d’elle-même, et les impulsions corrompues de la jeunesse lui préparent une vie d’horreur, souillée de la corruption d’un infâme trafic ; la pestilence qui a sa source dans un sensualisme sans jouissance a rempli toute la vie humaine de douleurs toujours renaissantes 1

« Le mensonge ne demande que de l’or pour payer les angoisses d’une conscience outragée ; car l’esclave-prêtre ne fait pas grand fond sur sa foi mercenaire ; un maigre cortège qui passe, quelques âmes serviles (que la couardise suffirait à enchaîner, ou que le mesquin calcul de l’avarice pourrait entraîner à parer le triomphe de son zèle languissant, peuvent faire de lui le