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REINE MAB

ministre de la tyrannie. Un crime plus audacieux demande une récompense plus haute : sans un frissonnement, l’esclave-soldat prête son bras aux œuvres de meurtre, et endurcit son cœur, quand la terrible éloquence des mourants, s’exhalant tout bas sur le champ solitaire de la gloire, vient livrer un assaut à cette nature humaine, dont il vend les applaudissements pour les grossières bénédictions d’une foule patriote, pour la vile gratitude de rois sans cœur, pour une froide approbation du monde, — encore plus vile !

« Il y a une gloire plus noble qui suivit jusqu’à la dissolution de notre être, et, consolatrice de toute peine humaine, accompagne son changement ; qui n’abandonne pas la vertu dans l’obscurité des cachots, et dans l’enceinte des palais, guide ses pas à travers ce labyrinthe de crime ; imprime sur ses traits l’intrépidité, alors même que, de la main vindicative du Pouvoir, il reçoit son plus doux, son dernier, son plus noble titre de gloire : la mort ! C’est la conscience du bien, que ne tentent ni l’or, ni la sordide renommée, ni l’espérance du bonheur céleste ; mais une vie de bien résolue, une volonté inébranlable, un désir inextinguible du bonheur universel, un cœur qui batte à l’unisson avec elle, un cerveau dont la sagesse toujours vigilante travaille à échanger les trésors de la raison contre son éternel bonheur.

« Ce commerce de sincère vertu ne demande aucune intervention de l’égoïsme, aucun jaloux échange d’un misérable gain, aucune fluctuation froide et longue de la prudence ; tout est pesé dans une juste et égale balance ; l’un des plateaux contient la somme du bonheur humain, et l’autre le cœur d’un homme de bien.