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Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/71

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REINE MAB 65

quelque chose d'éternellement certain, un phare au- dessus du chaos des sombres vagues.

« La terre habitable est pleine d’allégresse. Ces déserts de lames glacées qu’avaient amoncelés autour des pôles d’incessants ouragans de neige, où la matière n’osait ni végéter ni vivre, mais où une gelée perpétuelle autour de la vaste solitude enchaînait sa large zone d’immobilité, sont maintenant déblayés ; là, les zéphyrs embaumés des îles aromatiques plissent à peine le placide abîme de l’Océan, qui roule ses flots larges et clairs sur le sable en pente, et dont le rugissement s’éteint en suaves échos pour murmurer à travers les bosquets respirant vers le ciel, et s’y harmoniser avec la nature sanctifiée de l’homme.

« Ces incommensurables déserts de sable, dont les brûlantes ardeurs concentrées par le temps laissaient à peine un oiseau vivre, un brin d’herbe pousser, où le cri aigu des amours du lézard vert interrompait seul le silence étouffant, regorgent maintenant de ruisseaux sans nombre et de forêts ombreuses, de champs de blé, de pâturages et de blanches chaumières ; et là où le désert effaré voyait un sauvage conquérant souillé du sang de ses frères, et une tigresse rassasier de la chair des agneaux la faim monstrueuse de ses petits sans dents, tandis que le désert retentissait de cris et de mugissements... là, une pelouse en pente et unie, émaillées de pâquerettes, offrant son doux encens au soleil levant, sourit de voir un enfant qui, devant la porte de sa mère, partage son repas du matin avec le basilic vert et or, venu pour lui lécher les pieds.

« Ces profondeurs inexplorées, où plus d’une voile fatiguée avait vu sur la plaine sans bornes le malin succéder à la nuit et la nuit au matin, sans, que jamais

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