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66 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

aucune terre déployât, pour saluer le voyageur errant, ses montagnes ombreuses sur la mer illuminée par le soleil ; où les rauques mugissements des vagues soulevées s’étaient si longtemps mêlés aux fracas du vent d'orage dans une mélancolique solitude , et avaient balayé le désert de ces steppes de l’Océan, qui ne connaissait d’autres voix que les cris déchirants de l’oiseau de mer, le beuglement des monstres, et le sifflement de la tempête, maintenant elles répondent aux accords doux et variés à l'infini des plus aimables impulsions humaines. Dans ces royaumes solitaires étincellent de brillantes îles, vrais jardins entourés de nuages lumineux et de mers étincelantes, avec de fertiles vallées retentissantes d’allégresse , de verdoyantes forêts ondoyant comme un dais au-dessus de la vague, qui, semblable à un travailleur épuisé de fatigue, saute à terre pour y trouver les baisers des fleurettes.

« Toutes choses sont recréées, et la flamme de l’amour commun inspire toute vie. Le fertile sein de la terre donne leur sève à des myriades d’êtres, qui grandissent toujours sous sa tutelle, et la récompensent par leur pure perfection. L'haleine embaumée de la brise aspire ses vertus et les sème toutes au dehors ; la santé flotte dans la douce atmosphère, brille dans les fruits, et s’étend sur les courants. Aucun orage ne défigure plus le front rayonnant du ciel, et ne disperse plus, dans la fraîcheur de son éclat, le feuillage des arbres toujours verts ; les fruits sont toujours mûrs, les fleurs toujours belles ; l’Automne porte fièrement sa grâce de matrone, allumant une longueur sur la belle joue du Printemps, dont la lueur virginale sous le fruit vermeil réfléchit sa nuance et rougit d'amour.