Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

68 ŒUVRES POÉTIQUES DE SIIELLEY

satisfaits, lui rappelaient sans cesse l’ingrate carrière que le malheur de sa courte vie avait atteinte ; sa mort était une convulsion que la faim, le froid et l’épuisement avaient depuis longtemps fait sentir à son âme, quand l’étincelle vitale s’attachait encore obstinément à son corps. Là, il subissait tout ce que la vengeance de la Terre pouvait infliger aux violateurs de sa loi ; une malédiction seule lui fut épargnée — le nom de Dieu !

« Et là où les tropiques enchaînaient les royaumes du jour d'une large ceinture de nuages et de flamme confondus ; où les brouillards bleuâtres à travers l’atmosphère immobile semaient les germes de pestilence et nourrissaient une végétation contre nature ; où la lande foisonnait de tremblements de terre , de tempêtes et de maladies , l'homme n’était pas un être plus noble. L’esclavage l’avait écrasé dans la poussière sanglante de sa patrie ; ou bien il était troqué pour la gloire de ce pouvoir, qui, détruisant toute énergie interne, fait de la volonté humaine un article de trafic ; ou bien échangé auprès des chrétiens pour de l’or, et entraîné vers des îles lointaines, où, au bruit des fouets déchirant la chair, il faisait la besogne du luxe et de la richesse corruptrice, qui font doublement peser sur la tête des tyrans la plénitude lentement accumulée de leurs douleurs ; ou bien il était mené à la boucherie légale, pour être la proie des vers sous ce brûlant soleil , où les rois se liguèrent pour la première fois contre les droits des hommes, et les prêtres pour la première fois trafiquèrent du nom di’ Dieu.

« Là même où une zone plus tempérée offrait à l’homme un semblant d’abri, là encore la contagion, flétrissant sou être de maux innombrables, répandait comme un