Page:Siefert - Rayons perdus.djvu/87

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Comment n’as-tu pas vu qu’elle t’aimait aussi ?
Nous, qui n’avions que toi pour unique souci,
Nous nous étions, hélas ! elle & moi, devinées,
Sans prévoir toutefois combien nos destinées
Devaient se ressembler en malheurs, en regrets.
— Qui nous eût dit alors que je lui survivrais ?
Qu’avant moi, sous nos yeux, elle serait frappée ?…
Et peut-être en effet que la mort s’est trompée,
Qu’elle devait rester, que je devais partir,
Et, sans lutte, laisser l’oubli m’anéantir ?…

C’est fini maintenant, elle s’est endormie.
Sa profonde douleur m’a faite son amie.
Le passé disparaît. J’effeuille, avec des pleurs,
Sur son morne tombeau, ces vers, comme des fleurs.
La mort apaise tout : jalousie & colère !
Voici, le pardon vient & l’horizon s’éclaire ;
Plus d’ombre ou de terreur, plus de mal ou d’orgueil !
Je vois dans l’infini, qui s’ouvre à ce grand deuil,
Son front transfiguré par son amour fidèle ;
Je me rappelle enfin que tu fus aimé d’elle,
Et je dis, le cœur plein d’un sympathique effroi :
Elle aima mieux mourir que de vivre sans toi !


Novembre 18…