Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/103

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des marchands d’esclaves, et même dans les arenaria ?…

— Par tous les dieux ! assez, noble sage ! — s’écria Pétrone, — car nous allons être submergés par les flots de ton mérite, de ta vertu, de ta sagesse et de ton éloquence ! Assez ! Nous voulions savoir qui tu es, nous le savons !

Vinicius était content ; il se disait que, tel un chien courant, cet homme, une fois mis sur la piste, ne s’arrêterait point avant d’avoir flairé le gîte.

— C’est bien, — dit-il, — as-tu besoin d’indications ?

— J’ai besoin d’armes.

— Quelles armes ? — demanda Vinicius étonné.

Le Grec tendit une main et fit de l’autre le geste de compter de l’argent.

— Les temps sont ainsi, seigneur, — fit-il avec un soupir.

— Alors, tu seras l’âne qui prend d’assaut la forteresse au moyen de sacs d’or, — remarqua Pétrone.

— Je ne suis qu’un pauvre philosophe, — riposta humblement l’autre ; — l’or, c’est vous qui en êtes chargés.

Vinicius lui lança une bourse ; il la cueillit prestement au vol, bien qu’il manquât deux doigts à sa main droite. Puis il leva la tête et dit :

— Seigneur, j’en sais plus que tu ne penses. Je ne suis point venu ici les mains vides. Je sais que la jeune fille n’a point été enlevée par les Aulus, car j’ai déjà causé avec leurs esclaves. Je sais qu’elle n’est pas au Palatin, où tous s’occupent de la petite Augusta souffrante, et je crois même me douter des raisons qui font que, pour chercher la fugitive, vous me préférez aux vigiles et aux soldats de César. Je sais que sa fuite a été l’œuvre d’un serviteur venu du même pays qu’elle. Il n’a pu trouver assistance auprès des esclaves, car les esclaves se soutiennent et ils n’auraient point pris son parti contre tes esclaves à toi. Il n’a donc pu être aidé que par ses coreligionnaires.

— Tu l’entends, Vinicius ! — interrompit Pétrone. — Ne te l’avais-je pas dit, mot pour mot ?

— C’est pour moi un grand honneur, — fit Chilon. — La jeune fille, seigneur, — poursuivit-il en s’adressant à Vinicius, — adore bien certainement la même divinité que Pomponia, la plus vertueuse des Romaines, la vraie matrone stolata. J’ai entendu dire également qu’on avait jugé secrètement Pomponia pour le culte qu’elle aurait voué à des divinités étrangères, mais je n’ai pu savoir par ses gens, ni ce qu’était cette divinité, ni comment on nommait ses fidèles. Si je l’apprenais, je me rendrais