Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/228

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deux mains s’accrochèrent à ses épaules et une voix ardente murmura :

— Je t’aime !… Viens ! Nul ne nous verra : hâte-toi !

Vinicius fut comme tiré d’un songe :

— Qui es-tu ?

Mais elle, pressée contre sa poitrine, insistait :

— Hâte-toi ! Vois comme tout est désert ici, et moi je t’aime ! Viens.

— Qui es-tu ? — répéta Vinicius.

— Devine !…

Elle attira à elle la tête de Vinicius, et, à travers son voile, lui pressa ses lèvres sur les lèvres, jusqu’à en perdre le souffle.

— Nuit d’amour !… Nuit de folie ! — balbutia-t-elle, haletante. — Aujourd’hui, tout est permis : prends-moi !

Mais ce baiser le brûlait et l’emplissait d’un nouveau dégoût. Son âme et son cœur étaient ailleurs, et rien au monde n’existait pour lui que Lygie.

Il repoussa la forme voilée :

— Qui que tu sois, j’en aime une autre et je ne veux pas de toi.

Mais elle, la tête penchée vers lui :

— Lève mon voile…

À ce moment, un bruissement passa dans les myrtes voisins ; l’inconnue disparut comme un rêve et l’on ne perçut, dans le lointain, que son rire étrange et méchant.

Pétrone se dressa devant Vinicius.

— J’ai entendu et j’ai vu, — dit-il. Vinicius lui répondit :

— Allons-nous-en…

Ils dépassèrent les lupanars étincelants de feux, les bosquets, le cordon des prétoriens à cheval, et ils regagnèrent leurs litières.

— Je m’arrêterai chez toi, — dit Pétrone.

Ils montèrent dans la même litière et gardèrent le silence. Ce fut seulement dans l’atrium de Vinicius que Pétrone demanda :

— Sais-tu qui c’était ?

— Rubria ? — interrogea Vinicius, effrayé à la seule pensée que Rubria était une vestale.

— Non.

— Qui, alors ?

Pétrone baissa la voix :

— Le feu de Vesta a été profané : Rubria était avec César. Mais celle qui t’a parlé…

Et plus bas :

— Diva Augusta.

Puis, après un silence :