Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vinicius, surpris, releva la tête :

— C’est vrai, — dit-il avec vivacité. — Tout ce qui s’est passé est si étrange ! En te cherchant, j’ai appris à connaître les chrétiens… À l’Ostrianum, j’ai écouté avec étonnement l’Apôtre, car jamais encore je n’avais entendu pareils discours. C’est qu’alors tu priais pour moi.

— Oui, — répondit Lygie.

Ils passèrent près d’une tonnelle tapissée d’un lierre touffu et s’approchèrent de l’endroit où Ursus, après avoir étranglé Croton, s’était jeté sur Vinicius.

— Ici, sans toi je serais mort, — dit le jeune homme.

— Ne me le rappelle pas, — protesta Lygie, — et n’en garde pas rancune à Ursus.

— Pourrais-je me venger sur lui de t’avoir défendue ? Si c’était un esclave, je lui donnerais sur-le-champ la liberté.

— Si c’était un esclave, il y a longtemps que les Aulus l’auraient affranchi.

— Te souviens-tu que je voulais te rendre aux Aulus ? Mais tu m’as répondu que César pourrait l’apprendre et se venger sur eux. Eh bien ! maintenant, tu les verras aussi souvent que tu le voudras.

— Pourquoi, Marcus ?

— Je dis « maintenant », mais je pense à l’avenir, quand tu seras à moi. C’est bien cela. Si alors César me demande ce que j’ai fait de l’otage qu’il m’a confiée, je lui répondrai : « Je l’ai épousée et elle voit les Aulus avec mon consentement. » Il ne séjournera pas longtemps à Antium, car il lui tarde d’aller en Achaïe, et d’ailleurs, rien ne m’obligera à le voir chaque jour. Quand Paul de Tarse m’aura enseigné votre vérité, je me ferai baptiser et je rentrerai à Rome ; je regagnerai l’amitié des Aulus, qui précisément doivent rentrer prochainement en ville, et il n’y aura plus d’obstacles. Alors, j’irai te prendre et je t’installerai à mon foyer. Ô carissima ! carissima !

Il tendit les bras, comme s’il prenait le ciel à témoin, tandis que Lygie levait sur lui ses yeux rayonnants et répondait :

— Et moi alors je te dirai : « Là où tu seras, Caïus, là je serai, Caïa. »

— Non, Lygie, — s’écria Vinicius, — je te jure que jamais femme n’aura été honorée dans la maison de son mari comme tu le seras dans la mienne !

Ils marchèrent en silence, enivrés d’un incommensurable bonheur ; ils étaient semblables à des dieux et si beaux qu’on eût dit que le printemps les avait fait éclore en même temps que les fleurs.

Ils s’arrêtèrent sous un cyprès, à l’entrée de la maisonnette. Lygie