Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/356

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Plusieurs voix s’écrièrent :

— Amen !

Les yeux de l’Apôtre étincelaient d’une lueur de plus en plus ardente et de tout son être émanaient la force, la majesté, la sainteté. Les têtes s’inclinèrent devant lui, et dès que les voix se turent, il reprit :

— Semez dans la peine, afin de récolter dans la joie. Pourquoi redouter la puissance du Mal ? Plus haut que la terre, plus haut que Rome, plus haut que les villes et leurs murailles, il y a le Seigneur qui habite en vous. Les pierres s’humecteront de vos larmes et le sable de votre sang, et les fosses se rempliront de vos cadavres. Et moi, je vous dis : c’est vous les vainqueurs ! Le Seigneur s’avance à l’assaut de cette ville de crime, d’oppression et d’orgueil, et vous êtes sa légion ! Et de même que par son supplice et par son sang, il a racheté les péchés du monde, il veut, Lui, que par votre supplice et votre sang vous rachetiez ce nid d’iniquité !… Et il vous l’annonce par ma bouche !

L’Apôtre étendit le bras, leva les yeux au ciel et demeura immobile. Tous sentaient que son regard voyait ce que leurs yeux périssables, à eux, ne pouvaient découvrir.

Sa face rayonnait et ses yeux brillaient d’extase. Puis de nouveau sa voix se fit entendre :

— Tu es ici, Seigneur, et tu me montres la voie !… Ainsi, ô Christ, ce n’est point à Jérusalem, mais dans cette cité de Satan que tu veux fonder ta capitale ! Ici, avec ces larmes et ce sang, tu veux édifier ton Église ! Ici, où règne Néron, devra s’ériger ton royaume éternel ! Oh ! Seigneur ! Seigneur ! Et tu ordonnes à ces créatures terrifiées de faire de leurs ossements la base de la Sainte Sion ! Et tu ordonnes à mon âme de régner sur ton Église et sur les peuples de l’univers !… Et voici que tu verses au cœur des faibles la force pour qu’ils deviennent puissants ; voici que tu m’ordonnes de paître ici tes brebis jusqu’à la consommation des siècles… Sois loué dans tes volontés, ô Toi qui commandes de vaincre. Hosanna ! Hosanna !…

Et ceux qui étaient inquiets se rassurèrent ; et ceux qui avaient douté retrouvèrent leur foi. Ici on clamait : Hosanna !… Là : Pro Christo !… Et de nouveau tout se tut.

Les éclairs des nuits chaudes illuminaient le hangar et les visages pâles d’émotion.

Pierre, abîmé dans son extase, pria longtemps encore. Enfin, il se releva, tourna vers la communauté son visage inspiré et rayonnant :

— Or, de même que le Seigneur a vaincu en vous le doute, vous irez et vaincrez en Son nom !

Il savait déjà qu’ils vaincraient, il savait ce qui naîtrait de leur sang