Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/357

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et de leurs pleurs, et pourtant sa voix frémissait d’émotion quand il se mit à les bénir du signe de la croix.

— Je vous bénis, mes enfants, pour les supplices, pour la mort, pour l’éternité !

Mais ils l’entourèrent, suppliants :

— Nous sommes prêts ; mais toi, sauve ta tête sacrée, car tu es le Vicaire du Seigneur !

Et ils s’accrochaient à ses vêtements, tandis qu’il leur imposait les mains et les bénissait un à un, ainsi que le père bénit ses enfants pour un lointain voyage. Puis ils quittèrent le hangar, ayant hâte de rentrer chez eux, pour passer de là dans les prisons et dans l’arène. Leurs pensées étaient dégagées de tous liens terrestres ; leurs âmes dirigeaient leur vol vers l’éternité et ils allaient comme dans un rêve, pleins d’enthousiasme, opposer la force qui était en eux à la force et à la férocité de la « Bête ».

Nereus, serviteur de Pudens, emmena l’Apôtre et le conduisit à travers la vigne, par un sentier secret, vers sa demeure. Dans la clarté nocturne, Vinicius les suivit, et dès qu’ils eurent atteint la hutte de Nereus, il se jeta aux pieds de l’Apôtre.

Pierre, le reconnaissant, lui demanda :

— Que veux-tu, mon fils ?

Mais après ce qu’il avait entendu à l’assemblée, Vinicius n’osait plus rien demander. Il embrassa les pieds de l’Apôtre, y appuya son front en sanglotant et implora la pitié par son silence.

L’Apôtre lui dit :

— Je sais. On a emmené la vierge que tu chéris. Prie pour elle.

— Seigneur, — gémit Vinicius en pressant plus fort les pieds de l’Apôtre, — seigneur, je ne suis qu’un ver chétif. Mais toi, tu as connu le Christ : implore-le, toi, pour elle.

Tremblant de douleur, il frappait son front contre le sol. Maintenant qu’il savait la puissance de l’Apôtre, il était convaincu que lui seul pouvait lui rendre Lygie.

Pierre s’émut de cette souffrance. Il se souvint du jour où Lygie, foudroyée par les paroles de Crispus, était tombée, elle aussi, à ses pieds pour implorer sa pitié ; il se souvint qu’il l’avait relevée et réconfortée. Et il releva Vinicius.

— Mon fils, je prierai pour elle ; mais souviens-toi de ce que j’ai dit à ceux qui doutaient. Dieu lui-même a souffert le supplice de la croix ! Souviens-toi aussi qu’après cette vie une autre commence, éternelle.

— Je sais !… j’ai entendu, — fit Vinicius, happant l’air de ses lèvres blêmes. — Mais vois, seigneur, je ne peux pas !… S’il faut du sang qu’il prenne mon sang… Je suis un soldat ; que pour moi Il double, Il triple le supplice : je supporterai tout. Mais qu’