Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/358

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il la sauve, elle ! C’est encore une enfant, seigneur ! Et Lui est plus puissant que César, je le crois fermement ! Il est plus puissant… Toi-même tu la chérissais. Tu nous as bénis !… Ce n’est qu’une enfant innocente !…

De nouveau il se courba et pressa son visage contre les genoux de Pierre, en répétant :

— Tu as connu le Christ, seigneur, tu L’as connu ! Lui t’exaucera ! Prie pour elle !

L’Apôtre baissa les paupières et se mit à prier avec ardeur.

À la lueur des éclairs qui de loin en loin traversaient le ciel, Vinicius, attendant la sentence de vie ou de mort, épiait les lèvres de Pierre. Dans le silence, on entendait des cailles lancer leurs appels par la vigne et, dans le lointain, gronder le bruit sourd des moulins de la Via Salaria.

— Vinicius, — demanda enfin l’Apôtre, — as-tu la foi ?

— Seigneur, serais-je venu ici ?

— Alors, aie foi jusqu’au bout, car la foi déplace les montagnes. Et si même tu voyais cette fillette sous le glaive du bourreau, ou dans la gueule du lion, aie foi encore, car le Christ peut la sauver. Aie foi et implore-le, et je vais l’implorer avec toi !

Puis, le visage levé vers le ciel et d’une voix haute :

— Christ de miséricorde, jette un regard sur ce cœur douloureux et console-le ! Christ de miséricorde, toi qui priais ton père de détourner de toi le calice d’amertume, détourne-le des lèvres de ton esclave ! Amen !

Et Vinicius, les mains vers les étoiles, gémissait :

— Christ, je suis tien : prends-moi à sa place !

À l’orient, le ciel commençait à pâlir.


Chapitre LIV.

Après avoir quitté l’Apôtre, Vinicius, le cœur rouvert à l’espérance, retourna vers la prison.

Au fond de son âme résonnait encore la voix de la crainte et de la terreur ; mais il cherchait à l’étouffer. Il lui semblait impossible que la protection du Vicaire de Dieu et la puissance de sa prière demeurassent sans effet. Il craignait de repousser l’espérance, il craignait de ne pas croire.

« J’aurais foi en Sa miséricorde, — se disait-il, — si même je voyais Lygie dans la gueule du lion. »

Bien que tout son être frémît à cette pensée et qu’une sueur froide lui perlât aux tempes, il avait foi. Maintenant, chaque