Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/359

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battement de son cœur était une invocation. Il commençait à comprendre comment la foi déplace les montagnes, car il sentait en lui une force mystérieuse qu’il n’avait jamais connue. Il lui semblait qu’à l’aide de cette force, il pouvait faire ce qui, la veille encore, lui eût été impossible. Chaque fois qu’un gémissement de désespoir venait bouleverser son cœur, il se remémorait cette dernière nuit, et la face ridée, sainte, levée vers le ciel et priant.

« Non, le Christ ne reniera pas son premier disciple, le pasteur de ses brebis ! Le Christ ne le repoussera pas, et moi je ne douterai pas ! »

Et Vinicius courait vers la prison pour y annoncer la bonne nouvelle.

Mais ici se produisit quelque chose d’inattendu. Les prétoriens, qui se relayaient à la Prison Mamertine, le connaissaient déjà tous et d’habitude le laissaient entrer sans aucune difficulté. Mais cette fois les rangs ne s’ouvrirent point devant lui. Un centurion s’approcha et dit :

— Pardonne-moi, noble tribun, aujourd’hui nous avons l’ordre de ne laisser passer personne.

— L’ordre ? — fit Vinicius en pâlissant.

Le soldat le regarda d’un air de compassion et ajouta :

— Oui, seigneur, l’ordre de César. Il y a beaucoup de malades dans la prison, et peut-être craint-on que les visiteurs ne propagent l’épidémie en ville.

— Mais tu as dit que l’ordre n’était donné que pour la journée ?

— On nous relève à midi.

Vinicius se tut et se découvrit, car le pileolus qu’il avait sur la tête lui semblait être de plomb. Mais le soldat se rapprocha et lui dit à voix basse :

— Sois sans crainte, seigneur, les gardiens et Ursus sont près d’elle.

Ce disant, il se pencha et, de son long glaive gaulois, il dessina rapidement sur un bloc de pierre la forme d’un poisson. Vinicius lui lança un regard scrutateur :

— Et tu es prétorien ?…

— Jusqu’au jour où je serai là, — fit le soldat en montrant la prison.

— Moi aussi, j’adore le Christ !

— Que son nom soit béni ! Oui, seigneur, je sais… Je ne puis te laisser entrer ; mais, si tu me donnes une lettre, je la ferai remettre par les gardiens.

— Je te remercie, frère.

Il serra la main du centurion et s’éloigna. Son pileolus n’avait plus sur sa tête le poids du plomb. Le soleil rayonnait sur le mur de