Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/360

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la prison, et, avec la clarté matinale, l’âme de Vinicius commençait à renaître à la confiance ; ce soldat chrétien lui apparaissait comme une nouvelle preuve de la puissance du Christ. Il s’arrêta et contempla les nuages rosés qui planaient au-dessus du Capitole et du temple de Jupiter Stator :

— Je ne l’ai pas vue aujourd’hui, Seigneur ; mais j’ai foi en Ta miséricorde, — fit-il.

À son retour, il trouva Pétrone qui, fidèle à son habitude de « faire de la nuit le jour », venait de rentrer, mais qui, déjà, avait eu le temps de prendre un bain et de se faire frotter d’huile avant de se coucher.

— J’ai des nouvelles pour toi, Vinicius, — dit-il. — J’ai été aujourd’hui chez Tullius Sénécion, qui recevait aussi César. Je ne sais comment l’Augusta a eu la malencontreuse idée d’amener avec elle le petit Rufius, peut-être pour que, par sa beauté, il touchât le cœur de César. Par malheur, l’enfant, pris de sommeil, s’est endormi au cours de la lecture, comme jadis Vespasien. Furieux, Ahénobarbe lui a lancé un cratère à la tête et l’a dangereusement blessé. Poppée s’est évanouie et tous ont entendu dire à César : « J’en ai assez de cet avorton ! » Ce qui équivaut, tu le sais, à un arrêt de mort.

— La justice de Dieu est suspendue sur l’Augusta, — dit Vinicius. — Mais pourquoi me racontes-tu cela ?

— Je te le raconte parce que, préoccupée de son propre malheur, elle renoncera peut-être à sa vengeance contre vous et se laissera plus facilement fléchir. Je la verrai ce soir et je lui parlerai.

— Merci, Pétrone, tu m’apportes une bonne nouvelle.

— Toi, prends un bain et repose-toi. Tes lèvres sont blêmes et tu n’es plus que l’ombre de toi-même.

Mais Vinicius demanda :

— N’a-t-on pas fixé la date des premiers jeux matutinaux ?

— Ce sera dans dix jours. Mais d’abord on puisera dans les autres prisons. Plus nous aurons de temps, mieux cela vaudra. Tout n’est pas perdu encore.

Il avançait une chose à laquelle il ne croyait pas lui-même, car, du moment que Néron avait répondu à la prière d’Aliturus par une belle phrase où il se comparait à Brutus, il n’y avait plus de salut pour Lygie.

Par pitié pour Vinicius, il avait également passé sous silence ce qu’il venait d’entendre chez Sénécion : César et Tigellin avaient décidé de choisir, pour leur plaisir personnel et pour celui de leurs amis, les plus belles vierges chrétiennes, et de livrer le reste, le jour même des jeux, aux prétoriens et aux bestiaires.

Sachant qu’en aucun cas Vinicius ne survivrait à Lygie, il se complaisait