Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/371

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un nouveau péché et sera précipité dans le feu éternel. À chacun de vos péchés vous avez renouvelé le supplice du Seigneur ! Comment osez-vous croire que la torture qui vous attend puisse égaler celle qu’a endurée le Rédempteur ? Justes et pécheurs mourront aujourd’hui d’une même mort, mais le Seigneur reconnaîtra les siens. Malheur à vous, car les dents des lions déchireront vos corps, mais ne déchireront point vos péchés, ni vos comptes avec Dieu ! Le Seigneur a montré assez de mansuétude en se laissant clouer sur la croix ; désormais vous ne trouverez plus en Lui que le Juge qui ne laissera aucune faute sans châtiment. Ainsi, vous qui pensiez, par votre supplice, effacer vos péchés, vous blasphémiez la justice de Dieu, et vous serez précipités plus profondément. La miséricorde a pris fin, et l’heure est venue de la justice divine ! Voici que vous allez voir face à face le Juge effroyable, devant qui les vertueux pourront à peine trouver grâce. Faites pénitence, car l’enfer vous guette. Et malheur à vous, hommes et femmes ! Malheur à vous, parents et enfants !

Étendant ses mains osseuses, Crispus les agitait au-dessus des têtes courbées, implacable même en face de la mort qui, dans un instant, allait prendre tous ces condamnés.

— Nous pleurons nos péchés ! gémirent quelques voix. Puis, tout se tut. On n’entendit plus que les pleurs des enfants et le bruit des poings qui martelaient les poitrines.

Le sang de Vinicius se glaça dans ses veines. Une sueur froide perlait sur son front. Il eut peur de tomber inanimé, comme ces corps inertes auxquels il se heurtait en cherchant Lygie. Il songea aussi qu’à tout instant on pouvait ouvrir les grilles, et il se mit à appeler à haute voix Lygie et Ursus, avec l’espoir qu’à défaut d’eux quelqu’un qui les connût lui répondrait.

En effet, un homme vêtu d’une peau d’ours le tira par sa toge et lui dit :

— Seigneur, ils sont restés dans la prison. On m’a fait sortir le dernier et j’ai vu la vierge malade sur sa couche.

— Qui es-tu ? — demanda Vinicius.

— Le carrier, dans la hutte de qui l’Apôtre Pierre t’a baptisé, seigneur. J’ai été pris il y a trois jours, et je mourrai aujourd’hui.

Vinicius respira. En entrant là, il avait souhaité y trouver Lygie ; maintenant il remerciait le Christ de ne l’y point rencontrer et voyait là un signe de Sa grâce.

Cependant, le carrier le tira de nouveau par sa toge et lui dit :

— Te souviens-tu, seigneur… c’est moi qui t’ai conduit dans la vigne de Cornelius, où l’Apôtre prêchait sous un hangar ?

— Je m’en souviens.

— Je l’ai revu, la veille du jour où l’on m’a emprisonné. Il m’a béni