Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/411

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garçons parmi les esclaves du fossoyeur : les prétoriens ne la reconnaîtront pas et, si elle atteint la maison de Pétrone, elle sera en sûreté.

Mais le Lygien baissa la tête et dit :

— Elle n’y consentirait pas, elle t’aime. Et puis, elle est malade et ne peut se tenir debout…

Et il ajouta un instant après :

— Si toi, seigneur, et le noble Pétrone, n’avez pu la faire sortir de prison, qui donc la sauvera ?

— Christ seul !…

Ils se turent. Au fond de son cœur simple, le Lygien songeait : « Lui pourrait nous sauver tous ; s’il ne le fait pas, c’est que le moment du supplice et de la mort est venu. » Lui-même consentait à mourir, mais au fond de l’âme, il avait pitié de cette enfant qui avait grandi dans ses bras et qu’il aimait plus que la vie.

Vinicius s’agenouilla de nouveau auprès de Lygie. Par le soupirail grillagé, les rayons de la lune pénétrèrent dans le souterrain et l’éclairèrent mieux que l’unique lumière qui se consumait au-dessus de la porte.

Soudain, Lygie ouvrit les yeux et posa ses mains brûlantes sur celles de Vinicius.

— Ah ! — soupira-t-elle, — je savais bien que tu allais venir.

Il se précipita sur ses mains, se mit à les presser contre son front et contre son cœur, puis il souleva la jeune fille et l’appuya contre sa poitrine.

— Je suis venu, très chère. Que le Christ te prenne sous sa garde, et qu’il te sauve ma Lygie bien-aimée !…

Il ne put en dire davantage, car, dans sa poitrine, son cœur tressaillait d’amour et de chagrin, et il ne voulait point trahir sa douleur devant elle.

— Je suis malade, Marcus, et, sur l’arène ou bien ici, il faut que je meure… J’avais demandé dans mes prières de te voir avant de mourir : tu es venu, le Christ m’a exaucée !

Et, comme il ne pouvait encore proférer une parole et l’étreignait seulement contre sa poitrine, elle continua :

— Au tullianum, je t’ai aperçu par la fenêtre, et je savais que tu viendrais. Aujourd’hui, le Sauveur m’a fait reprendre mes sens et a permis que nous puissions nous dire adieu. Déjà, Marcus, déjà je vais à Lui, mais je t’aime et je t’aimerai toujours.

Vinicius se domina, étouffa sa douleur et parla d’une voix qu’il s’efforçait de rendre calme :

— Non, ma bien-aimée, tu ne mourras pas. L’Apôtre m’a ordonné d’avoir foi et m’a promis de prier pour toi. Il a connu le Christ ; Christ, qui l’a aimé, ne lui refusera rien… Si tu devais mourir, Pierre ne m’aurait pas ordonné d’avoir foi. Et il m’a dit : « Aie