Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/103

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quelque sens qu’on veuille leur donner, sont ou étrangères aujourd’hui au tiers état, ou communes aux trois ordres ; ils oublient encore que, lorsqu’elles étaient exactes, les quatre-vingt-dix-neuf centièmes d’entre eux étaient incontestablement des roturiers, des manants et des vilains.

On fermerait en vain les yeux sur la révolution que le temps et la force des choses ont opérée ; elle n’en est pas moins réelle. Autrefois, le tiers était serf, l’ordre noble était tout. Aujourd’hui le tiers est tout, la noblesse est un mot. Mais sous ce mot s’est glissée une nouvelle et intolérable aristocratie ; et le peuple a toute raison de ne point vouloir d’aristocrates.

Dans une pareille position, que reste-t-il à faire au tiers s’il veut se mettre en possession de ses droits politiques d’une manière utile à la nation ? Il se présente deux moyens pour y parvenir. En suivant le premier, le tiers doit s’assembler à part : il ne concourra point avec la noblesse et le clergé, il ne restera avec eux ni par ordre ni par têtes. Je prie qu’on fasse attention à la différence énorme qu’il y a entre l’assemblée du tiers état et celle des deux autres ordres. La première représente vingt-cinq millions d’hommes et délibère sur les intérêts de la nation. Les deux autres, dussent-elles se réunir, n’ont de pouvoirs que d’environ deux cent mille individus et ne songent qu’à leurs privilèges. Le tiers seul, dira-t-on, ne peut pas former les États généraux. Eh ! Tant mieux ! Il composera une Assemblée nationale.

Un conseil de cette importance a besoin d’être justifié par tout