Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/104

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ce que les bons principes offrent de plus clair et de plus certain. Je dis que les députés du clergé et la noblesse n’ont rien de commun avec la représentation nationale, que nulle alliance n’est possible entre les trois ordres aux états généraux, et que, ne pouvant point voter en commun, ils ne le peuvent ni par ordre, ni par têtes. Nous avons promis, en finissant le troisième chapitre, de prouver ici cette vérité. Au reste, elle n’offrira peut-être rien qui ne soit connu : les bons esprits l’ont déjà répandue dans le public.

Il n’est, dit une maxime du droit universel, pas de plus grand défaut que le défaut de pouvoir. On le sait, la noblesse n’est pas députée par le clergé et le tiers. Le clergé n’est point chargé de la procuration des nobles et des communes. Il suit de là que chaque ordre est une nation distincte, qui n’est pas plus compétente à s’immiscer dans les affaires des autres ordres, que les états généraux de Hollande ou le conseil de Venise, par exemple, ne sont habiles à voter dans les délibérations du parlement d’Angleterre. Un procureur fondé ne peut lier que ses commettants, un représentant n’a droit de porter la parole que pour ses représentés. Si l’on méconnaît cette vérité, il faut anéantir tous les principes.

On doit voir, d’après cela, qu’il est, en bonne règle, parfaitement inutile de chercher le rapport ou la proportion suivant laquelle chaque ordre doit concourir à former la volonté générale. Cette volonté ne peut pas être une tant que vous laisserez trois ordres et trois représentations. Tout au plus, ces trois assemblées pourront se réunir dans le même vœu, comme trois nations alliées peuvent former le même désir. Mais vous n’en ferez jamais une nation, une représentation et une volonté commune. Je sens que ces vérités, toutes certaines qu’elles sont, deviennent embarrassantes dans un état qui ne s’est pas formé sous les auspices de la raison et de l’équité politique. Que voulez-vous ? Votre maison