Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/68

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n’ont pas assez consulté les progrès des lumières et même de l’opinion publique. Elles n’auraient pas rencontré plus de difficultés en demandant deux voix contre une, et peut-être se fût-on hâté, alors, de leur offrir cette égalité contre laquelle on combat aujourd’hui avec tant d’éclat. Au reste, quand on veut décider une question comme celle-ci, il ne faut pas se contenter, comme on le fait trop souvent, de donner son désir, ou sa volonté, ou l’usage pour des raisons ; il faut remonter aux principes. Les droits politiques, comme les droits civils, doivent tenir à la qualité de citoyen.

Cette propriété légale est la même pour tous, sans égard au plus ou moins de propriété réelle dont chaque individu peut composer sa fortune ou sa jouissance. Tout citoyen qui réunit les conditions déterminées pour être électeur, a droit de se faire représenter, et sa représentation ne peut pas être une fraction de la représentation d’un autre. Ce droit est un ; tous l’exercent également, comme tous sont protégés également par la loi qu’ils ont concouru à faire. Comment peut-on soutenir, d’un côté, que la loi est l’expression de la volonté générale, c’est-à-dire de la pluralité, et prétendre en même temps que dix volontés individuelles peuvent balancer mille volontés particulières ? N’est-ce pas s’exposer à laisser faire la loi par la minorité, ce qui est évidemment contre la nature des choses ? Si ces principes, tout certains qu’ils sont, sortent un peu trop des idées communes, je rappellerai le lecteur à une comparaison qui est sous ses yeux. N’est-il pas vrai qu’il paraît juste à tout le monde, excepté à m l’évêque de Nev, que l’immense bailliage du Poitou ait plus de représentants aux états généraux que le petit bailliage de Gex ? Pourquoi cela ? Parce que, dit-on, la population et la contribution du Poitou sont bien supérieures à celles de Gex. On admet donc des principes d’après lesquels on peut déterminer la proportion des représentants. Voulez-vous que la contribution en décide ? Mais quoique nous n’ayons pas une connaissance certaine de l’imposition respective des ordres, il saute aux yeux que le tiers en supporte plus de la moitié.