Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/86

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qu’il est chargé de leur procuration. Mais où est la procuration, lorsqu’il n’y a pas élection libre et générale ? Je ne nie pas que la constitution anglaise ne soit un ouvrage étonnant pour le temps où elle a été fixée. Cependant, et quoiqu’on soit tout prêt à se moquer d’un français qui ne se prosterne pas devant elle, j’oserai dire qu’au lieu d’y voir la simplicité du bon ordre, je n’y aperçois qu’un échafaudage prodigieux de précautions contre le désordre. Et comme tout est lié dans les institutions politiques, comme il n’est point d’effet qui ne soit l’origine, à son tour, d’une suite d’effets et de causes que l’on prolonge suivant qu’on est capable de plus d’attention, il n’est point extraordinaire que les fortes têtes y aperçoivent beaucoup de profondeur.

Au reste, il est dans le cours ordinaire des choses que les machines les plus compliquées précèdent les véritables progrès de l’art social comme de tous les autres arts ; son triomphe sera, pareillement, de produire les plus grands effets par les moyens les plus simples. On aurait tort de décider en faveur de la constitution britannique, précisément parce qu’elle se soutient depuis cent ans et qu’elle paraît devoir durer pendant des siècles. En fait d’institutions humaines, quelle est celle qui ne subsiste pas très longtemps, quelque mauvaise qu’elle soit ? Le despotisme ne dure-t-il pas aussi, ne semble-t-il pas éternel dans la plus grande partie du monde ? Une meilleure preuve est d’en appeler aux effets. En comparant sous ce point de vue le peuple anglais avec leurs voisins du continent, il est difficile de ne pas croire qu’ils possèdent quelque chose de mieux. En effet, ils ont une constitution, tout incomplète qu’elle peut être, et nous n’avons rien. La différence est grande. Il n’est pas étonnant qu’on s’en aperçoive aux effets.