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TÉMOIGNAGES

Delacroix, lui, avait dit :

« Ce qu’il faut éviter, c’est l’infernale commodité de la brosse. »

La touche divisée des néo-impressionnistes, posée simplement sur la toile, sans virtuosité, sans escamotage, ne donne-t-elle pas satisfaction à ces deux maîtres ?

Ruskin montre ensuite qu’une couleur ne peut être belle que si elle est soigneusement dégradée, et il signale toute l’importance de ce procédé si négligé :

« Vous reconnaîtrez dans la pratique que l’éclat de la teinte, la vigueur de la lumière et même l’aspect de transparence dans l’ombre sont essentiellement dépendants de ce caractère seul : la dégradation. La dureté, la froideur et l’opacité résultent beaucoup plus de l’égalité de la couleur que de sa nature.
------« Il n’est pas, en effet, physiquement impossible de découvrir un espace de couleur non dégradé, mais cela est si suprêmement improbable, que vous ferez mieux de prendre l’habitude de vous demander invariablement, lorsque vous allez copier une teinte, non pas : « Ceci est-il dégradé ? » mais : « De quelle façon ceci est-il dégradé ? » et au moins dans quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent, vous serez à même, après un coup d’œil attentif, de répondre d’une façon décisive, bien que la dégradation ait été si subtile que vous ne l’ayez pas perçue tout d’abord. Et n’importe le peu d’étendue de la touche de couleur. Ne serait-elle même pas plus grande que la plus petite tête d’épingle, si une de ses parties n’est pas plus foncée que le reste, c’est une touche mauvaise. Car ce n’est pas seulement parce que le fait se présente ainsi dans la nature que votre couleur devrait être dégradée : la valeur et le charme de la couleur elle-même dépendent plus de cette qualité que de toute autre, car la dégradation est aux couleurs exactement ce que la courbure est aux lignes : l’une et l’autre éveillant en tout esprit humain, par l’intervention de son pur instinct, une idée de beauté et toutes deux, considérées comme types, exprimant