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L’ÉDUCATION DE L’ŒIL

bleus. Beaux arbres de Corot, pleins de mystère et de poésie, voilà ce qu’on a fait de vous ! On vous a trempés dans le baquet de bleu d’une blanchisseuse ! »

Une même génération ne fait pas deux fois l’effort nécessaire pour s’assimiler une façon de voir nouvelle. Les détracteurs de Delacroix ont dû céder à ses partisans. Mais ces derniers n’ont pas compris les coloristes qui lui succédaient, les impressionnistes. Ceux-ci à leur tour ont triomphé, et aujourd’hui les amateurs des Monet, des Pissarro, des Renoir, des Guillaumin abusent de la réputation de bon goût que ce choix leur a acquise pour réprouver le néo-impressionnisme.

Il faut plus qu’un quart de siècle pour qu’une évolution d’art soit admise. Delacroix lutte de 1830 à 1863 ; Jongkind et les impressionnistes, de 1860 à 1890. Vers 1886, apparaît le néo-impressionnisme, développement normal des recherches précédentes et qui, d’après cette tradition, a donc droit encore à quelques années de luttes et de travail avant que soit agréé son apport. Parfois même l’intérêt financier se coalisera avec l’ignorance pour entraver un mouvement novateur et gênant. Gustave Geffroy l’a bien dit :

« Les producteurs dont la raison sociale est cotée, et tous ceux qui vivent de cette production consacrée par le succès, forment une association, avouée ou tacite, contre l’art de demain. »

2. C’est surtout lorsqu’elle tend vers la lumière ou