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DE DELACROIX AU NÉO-IMPRESSIONNISME

vers la couleur qu’une innovation se heurte à des mauvaises volontés. Les changements de thème de la peinture, corrélatifs aux variations de la mode littéraire, sont facilement admis par ces mêmes gens qu’effarouche le moindre éclat nouveau. Les déformations des Rose-Croix n’ont certes pas provoqué l’hilarité autant que les locomotives bleues de M. Monet ou les arbres violets de M. Cross. Rarement un dessin, une statue excitent la colère d’un public incompréhensif : une audace de couleurs, toujours.

Toute couleur pure et franche choque ; on n’aime que la peinture plate, lisse, assourdie et terne. Que, sous prétexte d’ombre, la moitié d’une figure soit couverte de bitume ou de brun, le public l’admet volontiers, mais non de bleu ou de violet. Pourtant les ombres participent toujours de ce bleu ou de ce violet qui lui répugnent, et non des teintes excrémentielles qui ont son agrément. La physique optique, elle aussi, le dirait.

Il y a en effet une science de la couleur, facile et simple, que chacun devrait apprendre et dont la connaissance éviterait tant de sots jugements. Elle peut se résumer en dix lignes qu’on devrait enseigner aux enfants de l’école primaire, à la première heure de la première leçon du cours le plus élémentaire de dessin.

Charles Blanc déplore cette ignorance du public — et toujours au sujet de Delacroix :

« Bien des gens supposent que le coloris est un pur don du ciel et