Page:Signac - D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme, 1911.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
DE DELACROIX AU NÉO-IMPRESSIONNISME

dige. Il étudia leur facture et vit qu’au lieu d’être peints à teintes plates, ils étaient composés d’une quantité de petites touches juxtaposées, se reconstituant, à une certaine distance, en teintes d’une intensité bien supérieure à celle de ses propres tableaux. Ce fut pour Delacroix une révélation : en quelques jours il repeignit complètement sa toile, martelant la couleur, qu’il avait étalée à plat jusqu’alors, de touches non fondues, et la faisant vibrer à l’aide de glacis transparents. Aussitôt il vit sa toile s’unifier, s’aérer, s’illuminer, gagner en puissance et aussi en vérité.

« Il avait surpris, dit E. Chesneau, un des grands secrets de la puissance de Constable, secret qui ne s’enseigne pas dans les écoles et que trop de professeurs ignorent eux-mêmes : c’est que, dans la nature, une teinte qui semble uniforme est formée de la réunion d’une foule de teintes diverses perceptibles seulement pour l’œil qui sait voir. Cette leçon, Delacroix s’en était trouvé trop bien pour l’oublier jamais ; c’est d’elle qu’il conclut, soyez-en sûrs, à son procédé de modelé par hachures. »

Du reste, Delacroix, en génie sûr de soi, reconnaît hautement avoir subi l’influence du maître anglais.

En 1824, à l’époque où il peignait le Massacre de Scio, il écrit dans son Journal :

« Ai vu les Constable. Ce Constable me fait grand bien. »

Puis plus loin :

« Revu une esquisse de Constable : admirable chose et incroyable. »