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Page:Silvestre - Le Conte de l’Archer, 1883.djvu/56

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Chroniques du Temps passé.

achevait sa vie au milieu de serviteurs cacochymes et chattemiteux autant qu’elle, si bien qu’on n’en pouvait approcher sans entendre un bruit de tousserie qui alternait avec la chanson des chouettes dans les tourelles.

Et notez que dame Marie d’Anjou n’entendait pas avoir abdiqué, pour cela, les prérogatives de Reine mère. Elle jouait à la cour avec son petit monde décrépit et tenait pour certain que le reste de l’Europe avait les yeux braqués sur elle. Plaisante cour que la sienne et qui eût bien fait rire quelque bon railleur du temps comme Villon, le gai pendu ! Imaginez que, toujours par filiale piété, le roi Louis avait offert à sa mère le château que son père avait autrefois fait orner pour sa maîtresse, cette belle Agnès Sorel, qui releva un instant le courage abattu de la France et mérita de demeurer aimée d’un grand peuple, après avoir été favorite d’un petit roi. Si l’extérieur aspect de ce manoir était terrible et comme d’un château fort parce qu’en ce temps heureux on ne se pouvait tranquillement amuser que dans des bastilles, entouré qu’était celui-ci de murailles épaisses d’où les mâchicoulis tendaient leurs cous de pierre comme des autruches affamées et autour desquelles les grenouilles coassaient dans de larges