Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

schah, prince en qui finirent la puissance et la gloire de la dynastie des Gaznévides, et vers l’an 515 de l’hégire, ainsi que je l’ai démontré ailleurs, le livre de Calila fut de nouveau traduit en persan, d’après la traduction Arabe d’Ebn-Almokaffa. Abou’Imaali Nasr-allah, fils de Mohammed, fils d’Abd-alhamid, auteur de cette traduction, avoit passé sa jeunesse avec un grand nombre d’hommes de lettres et de savans qui formoient la cour de ce prince, et avoit conçu, dans leur société, un goût très-vif pour l’étude et la culture des lettres. Les malheurs qui troublèrent les premières années du règne de Bahram-schah ayant dispersé cette société de beaux esprits, Nasr-allah ne connut plus d’autre délassement que la lecture et l’étude. Sur ces entrefaites, un ami lui ayant fait présent d’un exemplaire du livre de Calila, il prit tant de plaisir à le lire, qu’il conçut le dessein de le traduire en persan. Voici de quelle manière il expose lui-même, et les motifs qui le déterminèrent à entreprendre ce travail, et le plan qu’il a suivi dans sa traduction :

« Comme aujourd’hui, dit-il, on a en général peu de goût pour la lecture des livres Arabes, que les hommes sont privés des sages sentences et des bons avis, et que même tout cela, pour le dire ainsi, a été effacé, il m’est venu dans l’esprit, de traduire ce livre et d’en développer, avec toute l’étendue convenable, le sens profond, en l’appuyant et le fortifiant de passages de l’Alcoran, de traditions, de bons mots, de vers et de proverbes, afin que ce livre, qui étoit comme un homme mort depuis quelques milliers d’années, fût rappelé à la vie, et que les hommes ne fussent pas privés des avantages précieux qu’il peut leur procurer. »

Bahram-schah, instruit du travail qu’avoit entrepris-Nasr-allah, s’en fit lire un morceau. Il en fut tellement satisfait, qu’il ordonna à ce savant d’achever la traduction et de la lui dédier.

La version de Nasr-allah ne devoit point être, comme on le voit par la citation précédente, une simple traduction de l’arabe d’Ebn-Almokaffa. La simplicité du texte Arabe n’étoit point du goût des Persans, et le traducteur, qui étoit loin d’être modeste,