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savoir. Nous voulons connaître ce qu’ont été ceux qui ne sont plus, parce que rien d’humain ne nous est étranger ; nous demandons qu’on évoque à nos yeux leur image, qu’on fasse revivre la poussière des morts. Cette curiosité sympathique est amplement satisfaite par les lié tchoan ou Monographies qui forment, dans les Mémoires historiques, un ensemble plus considérable que toutes les autres sections réunies. Les Chinois lisent ces chapitres comme nous, Français, lisons notre riche littérature de mémoires, pour y retrouver la personnalité de ceux qui ont joué quelque rôle dans la grande comédie aux cent actes divers. Se-ma Ts’ien est le premier qui ait eu l’idée d’insérer dans le corps même de l’histoire les vies des hommes illustres et il est le créateur du terme lié tchoan ; avant lui, on appelait tchoan les enseignements traditionnels comme ceux qui sont attribués aux commentateurs Tso K’ieou-ming, Kong-yang et Kou-leang ; Se-ma Ts’ien a élargi le sens du mot ; il lui a fait signifier tout ce que le souvenir des hommes se transmet (tchoan) de génération en génération sur des sujets distincts (lié) les uns des autres.

La méthode de Se-ma Ts’ien consiste donc essentiellement à juxtaposer des notices individuelles aux Annales soit impériales, soit seigneuriales. Un système chronologique en dix chapitres et huit traités d’une portée plus générale complètent l’oeuvre. On le voit, cette méthode elle-même manque d’unité et porte encore la marque de l’esprit chinois plus analytique que synthétique. Elle n’en a pas moins eu de très brillantes destinées, car elle a été adoptée par tous les historiographes officiels de l’empire du Milieu. C’est pourquoi Se-ma Ts’ien a été considéré comme leur père à tous ; il a été placé le premier sur la liste de ces historiens, quoiqu’il y ait entre eux et lui de très importantes différences qu’il importe de signaler.

Le terme d’historiographe officiel ou plus exactement d’historien canonique apparaît pour la première fois