Page:Sima qian chavannes memoires historiques v2.djvu/343

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leva et alla le chercher jusqu’à la porte. L’honorable Lu était habile à lire l’avenir des gens sur leur mine ; c’est parce qu’il avait vu la physionomie de Kao-tsou qu’il le traitait avec tant d’honneur. Il alla donc à sa rencontre, le fit entrer et le fit asseoir. Siao Ho dit :

Lieou Ki a toujours beaucoup de grandes phrases à la bouche, mais il accomplit peu de chose.

Kao-tsou en profita pour traiter avec mépris les hôtes présents et s’assit aussitôt, sans être le moins du monde déconcerté, à la place d’honneur. Vers le milieu du banquet, l’honorable Lu jeta un regard à Kao-tsou pour le retenir ; Kao-tsou resta jusqu’à la fin du banquet ; ensuite, l’honorable Lu lui dit :

— Dès mon enfance, j’ai[1] aimé à tirer l’horoscope des gens ; ceux dont j’ai tiré l’horoscope sont nombreux, mais l’horoscope d’aucun d’eux ne vaut le vôtre, Ki. Je souhaite que vous preniez soin de vous-même. J’ai une fille que j’ai engendrée ; je désire qu’elle devienne votre femme pour vous servir[2].

Quand les convives se furent retirés, Mme Lu se mit en colère contre l’honorable Lu et lui dit :

— Autrefois vous aviez toujours le désir de faire une brillante destinée à cette fille et de la donner à un homme puissant ; le préfet de P’ei est votre ami ; il vous l’a demandée et vous ne la lui avez point donnée ; comment vous êtes-vous oublié à ce point que vous l’ayez accordée à Lieou Ki ? L’honorable Lu répondit :

  1. Lu se désigne lui-même par le mot [] = votre sujet ; c’était une formule de politesse dont on se servait dans la conversation ; plus tard, on employa le mot votre serviteur.
  2. Littéralement : « la concubine du van et du balais », c’est-à-dire la femme qui vaquera aux travaux domestiques. Le van en osier servait à ramasser et à enlever la poussière qu’on avait amassée avec le balai ; cf. Li ki, chap. K’iu li, 3e partie, 1e phrase (trad. Legge, Sacred Books of the East, vol. XXVII, p. 73).